Contribution : Comment la France peut-elle sauver ses relations avec la nouvelle Afrique ?

La mondialisation, qui est un phénomène inéluctable, a, depuis plusieurs années, complètement bouleversé une scène internationale longtemps marquée par l’affrontement entre l’Est et l’Ouest sur lequel se superpose le clivage entre le Nord et le Sud.2En 1989, la chute du Mur de Berlin modifie la vieille cartographie du monde qui ne connaissait que les deux grandes puissances, les États-Unis et ses alliés et l’Union soviétique et ses satellites, avec, en face, ce que l’économiste Alfred Sauvy a appelé le « Tiers-monde ».

Autrefois bipolaire, le monde est devenu multipolaire ; autrefois organisé par une diplomatie traditionnelle, il relève aujourd’hui d’une logique qui est celle des guerres économiques que se livrent les États et les zones géographiques ; autrefois fossilisé par l’affrontement entre l’Est et l’Ouest, il est fait de facettes mouvantes qui évoluent sans cesse géographiquement, politiquement, économiquement et culturellement.

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Il existe, dans ce monde mouvant, une seule constante qui le rattache au monde ancien : sa nature conflictuelle qui prend la forme de guerres économiques nourries par l’égoïsme des États et le terrorisme, devenu l’arme de ceux qui n’ont ni État ni puissance militaire. Guerres économiques et terrorisme renvoient à une actualité faite d’événements nouveaux qui n’en finissent de modifier l’architecture des relations internationales.

Dans ce monde nouveau, les institutions internationales dominées par l’Occident (Organisation mondiale du commerce, Fonds monétaire international, etc.) sont contestées. À l’initiative des pays émergents, de nouvelles relations Sud-Sud se tissent, afin de leur permettre de mieux maîtriser le jeu complexe de la mondialisation. Dans ce grand basculement géoéconomique et géopolitique du monde, qui fait de l’Europe un vieux continent à la dérive, l’Afrique n’est plus la grande oubliée.

Le XXIe siècle incarne véritablement le moment africain. Il est temps de sortir de cette mythologie sulfureuse qui caractérise les relations entre la France et l’Afrique, mythologie qui comprend trois moments : d’abord, le temps de la colonisation ; ensuite, celui de la décolonisation qui se superpose à la période de la Guerre froide ; enfin, le temps de la mondialisation qui voit l’Afrique se tourner vers d’autres partenaires.

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Une Afrique nouvelle est en train d’émerger progressivement depuis environ une vingtaine d’années ; l’élément déclencheur de se processus s’est réalisé grâce aux relations du continent avec la France qui ont pris un virage nouveau. Cette Afrique nouvelle n’est pas née sous l’actuel président français, Emmanuel Macron , elle était en gestation sous feu Jacques Chirac et a véritablement amorcé son envol sous Nicolas Sarkozy.

Ce dernier, françafricain assumé, n’a pas mesuré l’ampleur du renouveau africain, notamment dans les anciennes colonies françaises.

Son discours insultant à l’égard du peuple africain prononcé à Dakar en 2007 dans lequel il niait toute contribution de « l’homme noir » à l’évolution de l’humanité constituait une preuve éloquente de cette ignorance qui aveugle de nombreux hommes et femmes politiques français.

Cette Afrique se dévoile à grands pas à la France et au monde entier, peut-être avec quelques errements comme on le constate au Mali, au Burkina Faso, mais le processus semble irréversible. En France où la vision colonialiste et néocolonialiste des choses n’a pas encore quitté les esprits, on conclut au sentiment anti-français qui aurait gagné toutes les rues des pays africains francophones et que Bamako et Ouagadougou n’aimerait plus les Français.

Et pourtant ni à Bamako ni à Ouagadougou, les intérêts économiques français n’ont été saccagés, les ressortissants français brûlés au bûcher. C’est la preuve qu’en vérité, le prétendu sentiment français n’est qu’un leurre. Ce que les Africains veulent désormais et qui est la vérité la plus implacable, c’est que les relations entre la France et l’Afrique cessent d’être paternalistes pour devenir des relations de partenariat véritable où les intérêts des uns et des autres sont préservés.

Si le président français Emmanuel Macron défend, préserve et sauvegarde les intérêts économiques , diplomatiques, politiques et mêmes militaires de la France , ce qui est normal, qu’il en soit également ainsi pour les pays africains et pour l’Afrique.

Dans la guerre en Ukraine, l’occident avec les Etats-Unis, l’Allemagne et la France préserve ses intérêts d’où les sanctions contre la Russie et le soutien militaire, humanitaire et financier en faveur de l’Ukraine. La France, les Etats-Unis doivent laisser l’Afrique ; la France doit laisser les pays africains francophones adopter la position de neutralité dans la guerre en Ukraine si ces pays estiment que là se trouve leurs intérêts.

Mais le constat que l’on fait est que dans la préservation de ses intérêts, notamment dans la crise en Ukraine, la France sacrifie les pays africains. Ceux qui paient le lourd tribut de la guerre en Ukraine en tant que victimes collatérales sont les pays d’Afrique.

On se croirait dans la période coloniale et celle d’avant les indépendances au cours de laquelle les Africains ont été contraints au travail forcé pour l’enrichissement de la France. Pendant les première et surtout la deuxième guerre mondiale, les ressortissants africains appelés tirailleurs sénégalais ont combattu pour la France , sont morts pour la France sous les balles de l’Allemagne nazi alors que cette guerre ne les concernait pas.

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Comment la France peut-elle sauver ses relations avec la nouvelle Afrique ? La réponse à cette question et donc la première solution est que la France change de lunettes en regardant l’Afrique. Qu’elle ne regarde plus les pays africains francophones, notamment, comme d’anciennes colonies, des pays qui lui sont acquis. Qu’elle les regarde comme des partenaires avec lesquels elle doit désormais entretenir des relations économiques gagnant-gagnant.

La France devra comprendre et accepter qu’avec l’évolution du monde, les pays africains francophones sont libres d’avoir d’autres partenaires économiques,, diplomatiques et militaires. Partenaire historique de l’Afrique, la France doit laisser de côté les considérations géostratégiques et coopérer avec d’autres puissances étrangères pour qu’ensemble, ils luttent tous contre la pauvreté, l’insécurité et le terrorisme en Afrique. Bien évidemment en symbiose avec les pays africains dont il s’agit de la conquête du bien-être.

L’Afrique fait face à de nombreux défis et ses besoins sont énormes. Aucune puissance, seule, ne peut aider l’Afrique à venir à bout de tous ces défis. Par exemple, la stabilité du continent africain et la lutte contre le terrorisme, seule, la France ne peut pas faire face à cette hydre . C ’est en œuvrant avec les autres puissances militaires qui veulent aussi aider l’Afrique que la France pourra valablement apporter son aide au continent.

Il est vrai que la France ne veut pas perdre son influence en Afrique mais peut-elle sincèrement garder cette influence si elle refuse de s’adapter à la métamorphose de l’Afrique et aux aspirations des populations du continent qui sont de plus en plus jeunes, décomplexées et décolonisées totalement ? La France pourrait garder son influence en Afrique si elle écoute le continent au lieu de s’écouter elle-même.

En clair, qu’elle accepte que d’autres puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, Inde etc) se joignent à elle pour qu’ensemble, elles aident l’Afrique à sortir du sous-développement..

Une contribution de Jonas Konan Kan
Politologue ivoirien

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