MASA 2024 / Ouverture des rencontres professionnelles – Comment repenser show et business

Quelques heures après la belle cérémonie d’ouverture du Marché des arts du spectacle africain d’Abidjan (MASA), le samedi 13 avril 2024, au Palais de la Culture, place a été faite à la réflexion et le public a répondu présent. « Quelquefois quand ce sont les spectacles, on a beaucoup de monde. Mais quand il s’agit de se poser, échanger et réfléchir, on perd plus de la moitié des effectifs. Votre présence aujourd’hui prouve que vous serez à toutes les activités, qu’elles soient festives ou réflexives », a tenu à faire remarquer d’entrée le DG du MASA, Abdramane Kamaté, qui saluait ainsi le beau public qui a effectué le déplacement, tôt le dimanche matin, à la salle Christian Lattier.

Le public était face à cinq experts : Gaël Mareuge, chargée de mission Division lien social industries culturelles et créatives de l’Agence française de développement (AFD), l’artiste Kajeem, Laureen Kouassi Olsson de Birimian Ventures, Herman Cheick Sallah Nicoue de l’Agence Emploi Jeunes et Annie Kouamé Lawson de l’ESPartners.Le thème retenu était : « La jeunesse, l’innovation et l’entrepreneuriat : catalyseurs d’un nouvel horizon culturel en Afrique », Multiples étaient les questions lors des échanges. Notamment comment passer de l’art à l’industrie culturelle ? De la créativité à la richesse ? Comment cette créativité peut servir aux artistes pour leur développement et celui du pays ? Et quelles contraintes peuvent empêcher un artiste d’utiliser la plénitude de son potentiel économique ?

Intervenant sur le dernier point, Annie Kouamé Lawson de l’ESPartners a relevé qu’au regard des études et des programmes mis en place, il ressort que le financement constitue le premier frein. Pour elle, les financiers ne connaissent pas le secteur culturel. « Ils ne savent pas comment rentabiliser dans ce secteur, comment évaluer les risques », retient-elle. Ce qui fait qu’ils sont réticents. En deuxième lieu, elle a noté la question de la compétence ensuite le problème d’accès au marché, aussi bien local qu’international. Il y a aussi l’aspect social qui laisse croire que celui qui entreprend a échoué dans ses tentatives de faire autre chose. L’inorganisation du secteur, le manque d’infrastructures dans les villes de l’intérieur du pays et le fait que l’artiste, lui-même, ne considère pas son activité comme une industrie à laquelle sont applicables les techniques managériales, tout cela peut freiner son ascension.

Face à un tel état des lieux, Laureen Kouassi Olsson de Birimian Ventures est catégorique. Pour elle, « il faut accepter que la culture est un soft power ». C’est-à-dire un outil fort pour un pays par rapport à ce qu’il doit montrer au reste du monde. Elle explique l’hésitation des financiers à investir dans le secteur culturel par le fait que « le retour sur investissement est plus long ». Elle appelle à une véritable vitalité de la création pour attirer et retenir les investisseurs. « La culture peut être un business lorsqu’on comprend les cycles de production et les cycles de vente. Le temps est nécessaire pour créer et vendre », informe-t-elle.

Pour qu’un artiste puisse transformer son activité en business, il faut qu’il ait « les bases minimales d’exister en tant qu’artiste », insiste le chanteur ivoirien Kajeem. « Les gars du milieu ne sont pas structurés et les organismes de financement veulent des chiffres. Sans structuration, sans réseautage et sans formation, c’est compliqué », continue Kajeem, qui note que la formation est essentielle pour toute la chaîne et l’écosystème du secteur culturel. En somme, pour lui, « le besoin de formation est vital pour le secteur », car, « sous nos cieux, on fait trop le show, pas de business ». L’AFD et l’Agence Emploi jeunes, des structures de financement, ont expliqué leurs mécanismes. Selon Gaël Mareuge, l’AFD finance la construction d’infrastructures, la formation professionnelle, l’entreprenariat et les politiques publiques. Ces investissements visent à favoriser l’accès et l’attractivité en valorisant le pays.

Quant à l’Agence Emploi Jeunes logée au ministère ivoirien de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, représentée par Herman Cheick Sallah Nicoue, il y a de bonnes nouvelles en perspective. Après avoir égrené les actions menées pour les jeunes, en général, et ceux du secteur culturel, en particulier, il a annoncé qu’un fonds d’un milliard de FCFA (plus de 600 millions d’euros) sera lancé dans le cadre du MASA 2024 pour financer des projets entre 1 et 20 millions FCFA. Ce premier panel a été suivi par la conférence inaugurale dite par Pr. Valy Sidibé sur le thème : « La dynamique des créations scéniques contemporaines africaines aujourd’hui ».

Marcellin Boguy

Légende photo : Une vue des experts qui ont instruit le public venu nombreux au panel.

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