L’Union européenne face à la corruption : Quand des scandales accablent l’UE et l’Ukraine

Lors de sa visite à Kiev, le 8 avril 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a remis au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, une enveloppe aux couleurs des drapeaux ukrainien et européen. Ce dossier marquait ainsi le début de l’aventure européenne de l’Ukraine, qui avait officiellement déposé sa candidature d’adhésion le 28 février 2022, quelques jours après le début de la guerre en Ukraine.

Cependant, avant d’espérer intégrer l’Union européenne, Kiev doit satisfaire à sept conditions établies par Bruxelles pour entamer les négociations d’adhésion. Parmi celles-ci, la lutte contre la corruption généralisée apparaît comme l’une des plus cruciales. « L’Ukraine a fait moins de progrès que de nombreux pays d’Europe centrale et orientale en matière de lutte contre la corruption. Et ce n’est que relativement récemment que les institutions ukrainiennes ont été réformées en profondeur pour s’attaquer à des problèmes tels que la corruption judiciaire »,  explique Ian Bond, directeur de la politique étrangère au think tank Centre for European Reform.

Actuellement, l’Ukraine se classe parmi les pays européens les plus touchés par la corruption. Alors que des fonds d’aide affluent dans le pays en raison de la guerre, les préoccupations concernant leur destination se multiplient. L’année dernière, le pourcentage de personnes estimant que la corruption est inacceptable est passé de 40% à 64%. Malgré les efforts entrepris par Kiev, notamment en limogeant certains juges et fonctionnaires impliqués dans des affaires de corruption, l’Ukraine demeure toujours derrière la Hongrie, considérée comme le membre le moins performant de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption.

Le désir exprimé par Kiev d’adhérer à l’Union européenne d’ici deux ans est louable, mais des experts estiment que le pays aura encore besoin de plusieurs décennies pour satisfaire pleinement aux exigences de Bruxelles. En définitive, la route vers l’adhésion à l’Union européenne sera longue et complexe.

 

Le Qatargate : Les eurodéputés pris la main dans le sac

 

L’Union européenne, elle-même, n’échappe pas à cette gangrène de la corruption. En effet, le 9 décembre 2022, ces scènes dignes d’un film hollywoodien faisaient les gros titres partout en Europe sous le nom de “Qatargate”. Révélée par les médias belges Le Soir et Knack, cette large affaire de corruption et d’ingérence par des Etats étrangers a éclaboussé le Parlement européen.

Les faits remontent à 2021. Les services de renseignement belges enquêtent alors sur des soupçons de corruption au sein du Parlement européen de la part d’agents marocains. En creusant, ils découvrent également que le Qatar est impliqué. Plusieurs élus et des personnes de leurs entourages respectifs sont ainsi accusés d’avoir reçu de l’argent de ces deux pays pour tenter d’orienter certaines décisions européennes en leur faveur.

Le 9 décembre 2022, l’eurodéputée grecque Eva Kaïlí, alors vice-présidente du Parlement européen, est interpellée à son domicile bruxellois avec 150 000 euros cachés en petites coupures dans des bagages à main et des sacs de voyage. Son père, qu’elle a averti quelques instants plus tôt, est intercepté avec près de 500 000 euros alors qu’il tente de prendre la fuite. En tout, 1,5 million d’euros sont saisis par la police fédérale belge à l’occasion de 16 perquisitions.

Déchue de son poste de vice-présidente et exclue de son groupe, Eva Kaïlí ne semble être en réalité qu’un élément du vaste réseau impliqué dans cette affaire. Celui-ci regrouperait d’anciens et d’actuels eurodéputés, des assistants parlementaires, des représentants d’ONG ou d’organisations syndicales.

Selon les premiers éléments de l’enquête, le chef de file présumé de cette organisation serait l’ancien eurodéputé socialiste italien Pier Antonio Panzeri. Elu pendant une dizaine d’années au Parlement européen (2004-2019), il a notamment occupé la présidence de la délégation sur les relations avec les pays du Maghreb. Après avoir quitté ses fonctions au sein de l’assemblée européenne, il fonde en 2019 l’ONG Fight impunity, soupçonnée de n’être qu’une plateforme pour permettre la circulation de l’argent sale. Son ancien assistant, Francesco Giorgi est considéré comme son bras droit. Ce dernier est par ailleurs le compagnon d’Eva Kaïlí.

Plusieurs eurodéputés sont également suspectés. Andrea Cozzolino, socialiste italien et réputé proche de M. Panzeri, a ainsi récupéré Francesco Giorgi comme assistant en 2019. Le Belge Marc Tarabella, perquisitionné le 10 décembre à son domicile, a quant à lui été dénoncé par M. Panzeri. Les deux hommes ont vu leur immunité parlementaire levée par leurs collègues le 2 février 2023. Quelques jours plus tard, le 11 février, le premier était arrêté dans son pays à Naples tandis que le second était mis en examen pour “corruption, blanchiment et participation à une organisation criminelle” et placé en détention provisoire.

Le 13 avril, Marc Tarabella et Per Antonio Panzeri ont quitté leurs prisons respectives pour être placés sous surveillance électronique. Le lendemain, c’est Eva Kaïlí qui connaissait le même sort. Fin mai 2023, les deux eurodéputés ont retrouvé les rangs du Parlement européen mais demeurent sous contrôle judiciaire.

Les noms d’autres eurodéputés -comme celui de Marie Arena qui a fait l’objet d’une perquisition mi-juillet- et de leurs assistants ont par ailleurs été cités mais ne sont pour le moment pas officiellement mis en cause. Mi-janvier, M. Panzeri avait admis sa culpabilité et accepté de coopérer avec les enquêteurs. Le réseau s’étendrait bien en dehors des couloirs du Parlement.

Une contribution

de Sylla Mori

Politologue malien

 

 

 

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