Imaginez un matin brumeux au cœur de la réserve naturelle du Mont Péko. Les chants des oiseaux sont étouffés par le bruit assourdissant des tronçonneuses. Là où se dressaient autrefois des arbres majestueux, il ne reste plus que des souches et des terres dénudées. Cette scène de désolation est devenue trop courante dans cette région autrefois luxuriante.
Le Mont Péko, situé dans l’Ouest montagneux de la Côte d’Ivoire, est une réserve naturelle d’une importance écologique inestimable. Abritant une biodiversité riche, cette forêt tropicale est le refuge de nombreuses espèces animales et végétales, certaines endémiques et d’autres menacées d’extinction. Le Mont Péko joue également un rôle crucial dans la régulation du climat local et la préservation des ressources en eau.
Cependant, cette oasis de biodiversité est aujourd’hui gravement menacée par la déforestation. L’exploitation illégale du bois et la culture non durable du cacao ont conduit à une dégradation rapide du couvert forestier. Cette déforestation massive a des conséquences dévastatrices sur l’écosystème : perte d’habitat pour les espèces, érosion des sols, perturbation des cycles hydrologiques et contribution au changement climatique. La situation au Mont Péko est un microcosme des défis environnementaux auxquels la Côte d’Ivoire et le monde entier sont confrontés.
Amadou Ouérémi, un chef de milice burkinabè, a joué un rôle crucial pendant la crise postélectorale ivoirienne de 2010-2011. En tant que supplétif des Forces armées des forces nouvelles, il a combattu aux côtés des forces pro-Ouattara contre l’armée régulière ivoirienne et les milices fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo (France 24, 2013). Après la crise, Ouérémi s’est installé dans la réserve naturelle du Mont Péko, une zone riche en ressources naturelles (Jeune Afrique, 2013).
Une fois installé au Mont Péko, Ouérémi et ses hommes ont commencé à exploiter illégalement les ressources du parc. Ils ont abattu des arbres pour le bois et ont transformé de vastes étendues de forêts en plantations de cacao (France 24, 2013). Cette exploitation a non seulement dévasté l’écosystème local, mais a également impliqué des pratiques de travail abusives, y compris l’utilisation d’enfants burkinabè comme main-d’œuvre dans des conditions inhumaines (Agence Ecofin, 2013). Malgré son arrestation en 2013, l’impact de ses activités continue de se faire sentir, avec une grande partie du par encore sous l’emprise de l’exploitation illégale (Ousmane Sidibé et al., 2020).
Des conséquences dévastatrices sur la biodiversité locale
La déforestation au Mont Péko a atteint des niveaux alarmants. Selon une étude récente, la superficie forestière du parc a diminué de manière significative entre 2002 et 2016, en grande partie à cause de l’exploitation illégale du bois et de la conversion des terres en plantations de cacao (AFP, 2016). En 2013, il a été estimé que 24 000 personnes vivaient illégalement dans le parc, contribuant à la dégradation de 34 000 hectares de forêt (AFP, 2016). Cette déforestation massive a entraîné une fragmentation accrue du couvert forestier, perturbant l’intégrité écologique de la région (AFP, 2016).
La déforestation a des conséquences dévastatrices sur la biodiversité locale. Le Mont Péko abrite de nombreuses espèces animales et végétales, dont certaines sont endémiques et d’autres menacées d’extinction. Parmi les espèces les plus affectés figurent les éléphants nains et plusieurs espèces de primates (Goné Bi et al. – Impact de la déforestation sur la biodiversité du Mont Péko, 2013). La perte de leur habitat naturel met en péril leur survie et réduit la diversité génétique de la région. De plus, la destruction des forêts entraîne la disparition de nombreuses plantes médicinales et autres ressources naturelles vitales pour les communautés locales (Raphaël Tsanga et al. – Les droits des populations locales et autochtones à l’épreuve des politiques forestières et de conservation, (2021). Ici, les auteurs abordent les conséquences de la déforestation sur les ressources naturelles vitales pour les communautés locales. Walter Kouamé Kra (2016), dans ‘’Le parc national du Mont Péko (Côte d’Ivoire) entre dynamique de déguerpissement, tensions sociales et logiques des acteurs : vers un risque d’explosion de violence’’, analyse les impacts de la déforestation sur les communautés locales et la biodiversité, y compris la disparition de plantes médicinales.
La déforestation contribue également au changement climatique, tant au niveau local que global. Les arbres jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone, et leur abattage libère d’importantes quantités de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Mark Maslin, dans ‘’Le changement climatique’’ (2022), analyse les preuves scientifiques du changement climatique et ses conséquences, y compris le rôle de la déforestation dans l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre. Cette augmentation des émissions de gaz à effet de serre accélère le réchauffement climatique.
Localement, la déforestation perturbe les cycles hydrologiques, entraînant une diminution des précipitations et une augmentation de l’érosion des sols. Alexandre Ickowicz et Maud Loireau, dans ‘’Désertification et changement climatique, un même combat’’, aborde les liens entre la déforestation, la séquestration du carbone et les impacts climatiques. Le livre ‘’Les forêts françaises face au changement climatique’’ de Hendrik (2024) discute de l’importance des forêts dans la séquestration du carbone et les impacts de la déforestation sur les cycles hydrologiques et l’érosion des sols. Ces changements climatiques exacerbent les conditions de vie déjà précaires des communautés locales et augmentent la vulnérabilité de la région aux catastrophes naturelles.
Des répercussions profondes sur les communautés locales
La déforestation au Mont Péko a aussi des répercussions profondes sur les communautés locales, en particulier les agriculteurs et les populations autochtones. La conversion des terres forestières en plantations de cacao a privé de nombreux agriculteurs de leurs moyens de subsistances traditionnels. Walter Kouamé (2016), dans ‘’Le parc national du Mont Péko (Côte d’Ivoire) entre dynamique de déguerpissement, tensions sociales et logiques des acteurs : vers un risque d’explosion de violence’’ examine aussi les impacts de la conversion des terres forestières en plantations de cacao sur les agriculteurs et les populations autochtones. Les populations autochtones, qui dépendent de la forêt pour leurs besoins quotidiens, voient leurs ressources naturelles diminuer, ce qui entraîne une augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire (Raphaël Tsanga et al., 2021). De plus, la perte de la forêt affecte les pratiques culturelles et spirituelles des communautés locales, qui considèrent souvent ces espaces comme sacrés (Walter Kouamé Kra – Côte d’Ivoire : les aires protégées entre politique de conservation contrastée et réinterprétation sociale, 2019).
L’exploitation des ressources naturelles au Mont Péko a engendré des tensions sociales et des conflits. Les tentatives de déguerpissement des occupants illégaux par le gouvernement ont souvent été marquées par des affrontements violents (Kouamé Walter Kra – Le parc national du Mont Péko (Côte d’Ivoire) entre dynamique de déguerpissement, tensions sociales et logiques des acteurs : vers un risque d’explosion de violence (2016). Dans cette étude, l’auteur examine également les dynamiques de déguerpissement, tensions sociales et les conflits entre les agriculteurs locaux et les autorités de conservation. Les conflits entre les agriculteurs locaux et les autorités de conservation sont fréquents, exacerbés par la compétition pour les terres et les ressources. Laurent Goetsched et Didier Péclard, dans ‘’Les conflits liés aux ressources naturelles. Résultats de recherche et perspectives’’ (2006), explorent les liens entre les ressources naturelles et les conflits, y compris les tensions sociales exacerbées par la compétition pour les terres et les ressources. De plus, la présence de groupes armés et de milices dans la région a aggravé la situation, rendant la gestion des ressources naturelles encore plus complexes.
Chaque geste compte dans la lutte contre la déforestation et la protection de la planète
Le gouvernement ivoirien a mis en place plusieurs initiatives pour restaurer le parc du Mont Péko et lutter contre la déforestation. Parmi ces efforts, on peut citer le déguerpissement des occupants illégaux et la réintroduction de programme de surveillance et de protection de la forêt. En collaboration avec les organisations internationales, le gouvernement a également lancé des projets de reforestation et de sensibilisation de communautés locales à l’importance de la conservation. Kouamé Walter Kra (2016) examine les efforts de déguerpissement des occupants illégaux et les tensions qui en résultent.
Malgré ces efforts, plusieurs défis entravent la restauration du parc. La corruption au sein des autorités locales et des forces de l’ordre compromet souvent l’efficacité des initiatives de conservation. Le manque de ressources financière et matérielles limite également la capacité des autorités à surveiller et à protéger efficacement le parc (Raphaël Tsanga et al., dans ‘’ Les droits des populations locales et autochtones à l’épreuve des politiques forestières et de conservation’’ (2021), aborde les initiatives de conservation et les défis tels que la corruption et le manque de ressources. De plus, les intérêts économiques liés à la culture du cacao et à l’exploitation forestière continuent de poser des obstacles majeurs à la conservation (Walter Kouamé Kra (2019).
Comme on le voit donc, la déforestation au Mont Péko a des impacts écologiques, sociaux et économiques significatifs. Elle entraîne une perte de biodiversité, contribue au changement climatique et affecte gravement les communautés locales. Les efforts de conservation sont en cours, mais ils sont confrontés à de nombreux défis, notamment la corruption, le manque de ressources et les intérêts économiques.
Il est alors crucial que nous prenions conscience de l’importance de protéger nos forêts en soutenant les initiatives de conservation, en sensibilisant nos communautés et en travaillant ensemble pour préserver notre patrimoine naturel. Chaque geste compte dans la lutte contre la déforestation et pour la protection de notre planète.
Robert Krassault
Légende photo : Une vue de la forêt du mont peko, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire.
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