Des militaires dont certains sont encagoulés ont investi, dans la soirée, la télévision nationale du Burkina Faso (RTB), le vendredi 30 septembre 2022, pour annoncer officiellement le renversement du président de la transition, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. au pouvoir depuis le coup d’État militaire du lundi 24 janvier 2022 contre le président élu Roch Marc Christian Kaboré. Depuis hier, 30 septembre 2022, soit huit mois plus tard, l’opinion publique nationale burkinabé et internationale assiste, quelque peu médusée, à un deuxième coup d’Etat. D’autres militaires s’emparent du pouvoir. Rassemblés au sein d’un Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), les nouveaux hommes forts de Ouagadougou sont conduits par un jeune capitaine de 34 ans nommé Ibrahim Traoré. Celui qui a remplacé de fait le lieutenant-colonel Damiba à la tête du Burkina Faso appartient aux Forces spéciales de l’armée burkinabé et était au front, avec ses frères d’armes, contre les terroristes-djihadistes.
Le coup d’Etat dans le coup d’Etat perpétré par le MPSR se justifie, selon les auteurs, par l’incapacité du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba de faire face efficacement contre la menace terroriste à laquelle est confronté le pays. Les nouveaux putschistes invoquent « la dégradation continue de la situation sécuritaire » dans le pays. « Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire », ont-ils poursuivi. « Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste », ont-ils ajouté. En effet, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba avait promis, en prenant le pouvoir, de faire de la sécurité sa priorité, dans un Burkina Faso en proie depuis des années à de sanglantes attaques djihadistes. Elles se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le Nord. Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés aux djihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique, principalement dans le Nord et l’Est du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque 2 millions de personnes.
Mais les nouveaux maîtres du Burkina Faso pourront-ils faire mieux que l’ancienne junte militaire que dirigeait le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba ? Il faut en douter parce que le contexte militaire demeure le même et la soif du pouvoir ainsi que les privilèges s’y rattachant finissent toujours par inhiber les uns et les autres. A preuve, dès la prise de pouvoir par un coup d’Etat, hier, le capitaine Ibrahim Traoré et ses amis ont pris une série de mesures en total rupture avec la poursuite de la transition afin d’aboutir à des élections présidentielles pour que s’installe un président civil élu démocratiquement. Ces neuf mesures prises par les militaires putschistes sont les suivantes : « La dissolution de la Constitution, de la charte de la transition, du gouvernement, de l’Assemblée législative de transition, la fermeture des frontières terrestres et aériennes pour compter du 30 septembre 2022 à 00h, l’instauration d’un couvre-feu de 21h à 5h, la suspension de toute activité politique ainsi que de toute activité des organisations de la société civile et les forces vives de la nation seront convoquées incessamment à l’effet d’adopter une nouvelle charte de la transition et de désigner un nouveau président de la transition, civil ou militaire ».
Face à ces mesures prises par les auteurs du coup d’Etat militaire du vendredi 30 septembre 2022, la communauté internationale a immédiatement réagi, à commencer par la CEDEAO. Dans un communiqué rendu public, hier, et signé du président de la commission de la CEDEAO,la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest – dont le Burkina est suspendu des instances depuis le coup d’État de janvier 2022 – a « condamné avec la plus grande fermeté la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer ». La CEDEAO trouve « inopportun ce nouveau coup de force au moment où des progrès ont été réalisés, grâce à la diplomatie et aux efforts de la CEDEAO pour un retour méthodique à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ». Et l’organisation sous-régionale africaine d’ajouter : « La CEDEAO met en garde toute institution, force ou groupe de personnes qui par des actes empêcherait le retour programmé à l’ordre constitutionnel ou contribuerait à la fragilisation de la paix et la stabilité du Burkina Faso et de la région. La Commission de la CEDEAO reste saisie de l’évolution de la situation». En clair, la CEDEAO désapprouve le putsch et les mesures prises par les putschistes. L’Union européenne (UE) a exprimé ses « inquiétudes » face à a situation, même son de cloche pour les États-Unis qui se sont dits « extrêmement inquiets » et ont appelé leurs citoyens à limiter leurs déplacements. « Nous appelons à un retour au calme et à la retenue de la part de toutes les parties », a indiqué un porte-parole du département d’État américain. Quant à la France, son ministère des Affaires étrangères a demandé à ses ressortissants à Ouagadougou de rester chez eux. Même si un calme précaire est revenu à Ouagadougou où les activités ont repris, soutiennent des habitants que nous avons joints sur place, la confusion règne toujours. D’autant que nul ne sait ce qu’il est advenu du chef de la junte militaire renversée, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Didier Depry
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