Pénalisation ou dépénalisation des relations homosexuelles  – L’Afrique entre ses valeurs et celles venues d’ailleurs

Le Parlement ougandais a voté, le mardi 21 mars 2023, une loi prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles. « Le oui l’emporte », a annoncé la présidente du Parlement, Annet Anita Among, après le vote final, précisant que « la loi a été adoptée en un temps record ».

Les députés ont considérablement amendé le texte initial, qui prévoyait des peines allant jusqu’à dix ans de prison pour toute personne se livrant à des actes homosexuels ou se revendiquant comme LGBT+, dans un pays où l’homosexualité est déjà illégale.

L’étendue des nouvelles peines prévues par la loi n’était pas connue dans l’immédiat. « Cette chambre n’hésitera pas à restreindre quelque droit que ce soit dans la mesure où elle reconnaît, protège et sauvegarde la souveraineté de ce pays et sa morale », a déclaré Mme Among. La loi doit être soumise au président Yoweri Museveni, qui pourra soit la promulguer soit y mettre son veto.

Ce vote en Ouganda survient dans un contexte de virulente vague d’homophobie en Afrique de l’Est où l’homosexualité est illégale et souvent considérée comme un crime. Le président Museveni, au pouvoir depuis 1986, a qualifié les homosexuels de « déviants ». Peu après, le 17 mars 2023, la police ougandaise avait annoncé l’arrestation de six hommes pour « pratique homosexuelle ». L’Ouganda dispose d’une stricte législation anti-homosexualité – un héritage des lois coloniales britanniques – mais depuis son indépendance du Royaume-Uni, en 1962, il n’y a eu aucune poursuite pour des actes homosexuels consentis.

En 2014, la justice ougandaise avait bloqué un projet de loi approuvé par les députés et signé par le président Museveni punissant les relations homosexuelles de la prison à vie. Ce texte avait suscité un tollé au-delà des frontières ougandaises, certains pays occidentaux ayant suspendu leur aide après sa présentation au Parlement, précisent le journal français Le Monde et l’Agence France Presse  (AFP).

L’interdiction et la condamnation de l’homosexualité en Ouganda n’est pas un cas isolé sur le continent africain. De nombreux pays d’Afrique notamment au sud du Sahara condamnent fermement les relations  homosexuelles. Si des lois qui condamnent l’homosexualité ne sont pas encore prises dans la large majorité de ces pays,il n’e  demeure pas moins qu’ils désapprouvent les pratiques homosexuelles. En Afrique de l’Ouest, du Centre  et en Afrique australe, l’homosexualité est perçue comme une pratique abjecte par les populations. La raison de cette attitude est liée au fait que l’homosexualité est contraire aux valeurs familiales etc. défendues dans les sociétés traditionnelles et modernes africaines. Selon les valeurs africaines, la famille est une réalité qui renvoie à un homme et une femme avec ou sans les enfants. Pour les sociétés africaines, la famille, ce n’est pas un homme et un homme ou une femme et une femme. Les sociétés africaines perçoivent cela comme une abomination.

En disant « non » à l’homosexualité, les pays africains, dans leur large majorité, hormis les pays d’Afrique du nord (Maghreb) et l’Afrique du Sud, veulent ainsi défendre les valeurs traditionnelles qui leur sont propres.

Mais avec l’ouverture au monde et la modernité, les pays africains font face aux valeurs venues d’ailleurs notamment de l’Occident qui accepte l’homosexualité et en fait même la promotion. C’est à juste titre que les pays occidentaux, entre autres, les Etats- Unis d’Amérique et les pays d’Europe, menacent de représailles économiques les pays africains qui pénalisent l’homosexualité. C’est le cas de l’Ouganda.

En effet, après le vote par le Parlement ougandais d’une loi prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles, une forte vague de condamnations est venue des pays occidentaux.  La Maison-Blanche (la présidence américaine) a mis en garde, le mercredi 22 mars 2023, l’Ouganda contre de potentielles « conséquences » économiques si la loi contre l’homosexualité, adoptée par le Parlement, entre en vigueur. « Nous devrions déterminer si nous devons décider, ou non, de conséquences, peut-être sur le plan économique, si cette loi est effectivement adoptée et entre en vigueur », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain. La mise en œuvre de cette loi n’est pas encore certaine – le texte devant être approuvé par le président –, mais Washington « surveille cela de très près », a insisté John Kirby. Des conséquences financières « seraient vraiment regrettables, car une grande partie de l’aide économique que nous fournissons concerne la santé », a-t-il ajouté.

L’ONU, Amnesty International, Londres et Washington ont demandé  au président ougandais Museveni de ne pas promulguer la loi adoptée par le Parlement d’Ouganda interdisant l’homosexualité. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a appelé , le 22 mars 2023, Yoweri Museveni à ne pas promulguer le texte. « Le vote de ce texte discriminatoire – probablement le pire au monde en son genre – est un développement profondément troublant », estime-t-il dans un communiqué. « Si elle est promulguée par le président, (cette loi) fera des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels, des criminels en Ouganda par le simple fait d’exister (…). Cela pourrait donner carte blanche à la violation systématique de presque tous leurs droits humains », plaide-t-il.

« Cette loi ambiguë, vaguement formulée, criminalise même ceux qui ‘font la promotion’ de l’homosexualité », a souligné dans un communiqué Tigere Chagutah, le directeur d’Amnesty pour l’Afrique de l’Est et du Sud.

Le ministre britannique chargé de l’Afrique, Andrew Mitchell, s’est aussi dit « profondément déçu » de l’adoption du projet, l’envoyé spécial du Premier ministre Rishi Sunak pour les droits des LGBTQ, Nicholas Herbert, avertissant du risque de voir augmenter « la discrimination et la persécution des personnes en Ouganda ».

Il faut préciser que le président Museveni, dirigeant de 78 ans, a souvent estimé que le sujet n’était pas une priorité à ses yeux et qu’il préférait conserver de bonnes relations avec ses donateurs occidentaux et les investisseurs. Le constat que font de nombreux observateurs africains, au-delà de tout, c’est que les pays occidentaux veulent imposer leurs valeurs à l’Afrique.

Pour les occidentaux, les seules valeurs qui apparaissent crédibles à travers le monde sont celles de l’Occident ; les autres sont fausses à leurs yeux. Les autres valeurs sociétales sont perçues comme violant les droits de l’homme, selon les occidentaux. Alors aux yeux des occidentaux, le monde entier doit épouser leurs valeurs. Par conséquent, les Africains et les Ougandais doivent suivre les valeurs des occidentaux c’est-à-dire accepter l’homosexualité de gré ou de force. L’attitude de l’Ouganda est perçue comme une rébellion aux yeux des occidentaux.  Cette conception de l’Occident met à mal progressivement l’équilibre du monde au plan des valeurs. D’autant que chaque peuple possède ses valeurs et est libre de les défendre. Evidemment dans le strict respect des droits de l’homme.

Une contribution d’Isaac kizzah

Politologue rwandais

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