Mali / Versatilité et inconstance des hommes politiques – Un déshonneur pour la démocratie malienne !

Le président du parti politique malienne, Parti social-démocrate africain (PSDA), Ismaël Sacko , jette de nouveau un regard critique, depuis l’exil, sur la vie politique dans son pays sous la transition militaire. Il affiche également un fort sentiment d’espoir.  

Le multipartisme intégral réclamé et obtenu par les acteurs du mouvement démocratique en 1991 avait donné l’espoir d’un Mali meilleur sur le plan de l’équité, de la justice et de la répartition de la richesse nationale.

Des avancées significatives ont été enregistrées au niveau de l’etat de droit et de la liberté d’expression en particulier. La floraison des organes de presse, des partis politiques et des associations témoigne de la volonté des autorités politiques à libérer la pensée, à valoriser l’opposition constructive contre la pensée unique.

Pour rappel, la culture malienne dans son passé historique du temps des empires n’avait pas valorisé l’opposition politique sous le règne des souverains et des monarques. Toutefois, le souverain prenait soin d’écouter ou d’intégrer l’avis de tous  ses sujets.

Cette gouvernance monarchique des affaires publiques est contraire à la gouvernance démocratique du 21e siècle où des élections ouvertes permettent d’élire les représentants du peuple et le père de la nation.

SOUTIEN DU DÉSHONNEUR 

En quête de promotion de postes et autres nominations politiques au sein de l’exécutif de la transition politique malienne ou pour des raisons bassement matérielles et pécuniaires, nous avions assisté la semaine dernière à une danse, ventre à terre des leaders de certaines de nos formations politiques se prononçant en faveur du « oui de la compromission » au référendum du 18 juin 2023 ».

Cette attitude éhontée d’une partie de la classe politique dont des partis emblématiques est un déshonneur pour la démocratie malienne.

Soit ces leaders ont manqué de courage politique pour dire non à la forfaiture d’une junte malienne épinglée et prise dans sa nasse, soit ils jouent un double jeu.

Le double jeu consisterait à profiter de ces moments de faiblesse de la junte Assimite pour bénéficier des avantages du pouvoir afin de se renforcer pour ensuite de l’intérieur l’ affaiblir. Un jeu dont ils sont favoris pourrait leur sembler la meilleure occasion pour assommer les usurpateurs et les fossoyeurs de la démocratie. Car, il est illusoire d’admettre que les champions de la démocratie de 1991 se transforment en griots et hauts soutiens des acteurs de la pensée unique dont la gouvernance est pire que celle des démocrates en termes de corruption, d’enlèvements et de tortures d’opposants.

Ces hommes politiques auraient dû garder la tête haute et jouer pleinement le rôle de veille démocratique et d’alternance à l’issue de l’élection présidentielle  prévue en mars 2024. Il ne s’agissait pas pour eux d’être opposants à la junte mais d’équilibrer la balance et savoir « dire Non » et demeurer une force de proposition constructive sans se compromettre.

L’attitude sans scrupule de cette catégorie d’acteurs politiques, jette le discret à la « chose politique » et lègue un mauvais héritage à une jeunesse en quête de repères et de valeurs de probité.

Je reste convaincu que la politique est un art noble qui se pratique avec conviction sur la base de valeurs et de principes de serviabilité, de don de soi et de la moralité vertueuse.

Toujours est-il que le soutien fanfaronnade en faveur du « oui » au référendum est un signe de trahison des martyrs de mars 1991 et un manque de fierté et d’honneur pour ces acteurs devenus la risée de la majorité silencieuse.

On se souvient que ce sont les mêmes leaders qui ont accompagné tous les régimes démocratiquement élus et les transitions militaires au Mali. Ils ont le verbe et la technique de persuader le prince du jour. Les liasses de billets pour l’achat des consciences lors des élections générales sont entre autre leur domaine de prédilection. Ils refusent de perdre leurs avantages, bien ou mal acquis et d’aller à l’opposition. Ici, je me permets de féliciter feu Soumaila CISSÉ qui par conviction avait décidé de jouer pleinement son rôle d’opposant et de contre poids.

Feu IBK sous ATT, et feu Soumaila CISSÉ chacun en son temps avait refusé la compromission. C’est dommage que leurs héritiers se soient autant rabaissés. Ces deux leaders doivent se retourner dans leurs tombes…

VIOLATION DE LA CONSTITUTION EN VIGUEUR 

L’article 181 de l’actuelle constitution n’autorise aucune autorité légale encore moins illégitime et illégale de la junte, d’initier ou d’organiser un référendum lorsqu’une partie du territoire national échappe au controle de l’état central.

Même le flegmatique nonchalant colonel Sadio CAMARA l’incompétent ministre de La Défense, se perd dans sa lutte contre l’insécurité et cela malgré la quantité importante d’équipements et matériels militaires acquis dans la plus grande opacité.

L’astuce du vote des militaires prévu le 11 juin est un autre complot afin d’influencer les indécis à aller massivement voter le « oui » le 18 juin.

L’instrumentalisation de notre armée nationale et sa politisation est grave et porte atteinte la stabilité des institutions politiques.

Au nord, les groupes armés, membres influents de l’attelage gouvernemental et du CNT disent ne point se reconnaître dans le projet de la nouvelle constitution taillée sur mesure pour dédouaner les putschistes de leur double forfait (voir l’article 188 de la nouvelle constitution). Le népotisme et la violation de nos textes sont monnaies courantes sous Assimi GOITA et sa bande d’usurpateurs.

LE DÉLUGE 

La victoire du « oui » au soir du 18 juin, sonnera le glas de la fin de règne de la junte Assimite.

A travers l’article 188, on sent une volonté des Assimites de conserver le pouvoir. Oh que non ! La junte d’Assimi s’en ira pour  défaut de résultats, mensonge d’état et pour haute trahison.

Les pseudo démocrates vicieux et grands dribbleurs qui applaudissent « le oui de la compromission » seront les tombeurs de cette junte.

Nul n’acceptera « qu’un moins que rien » s’éternise au pouvoir et saigne davantage ce pays dont une partie de la jeunesse désœuvrée s’est transformée en activistes et vidéoman pour gagner sa pitance.

UNE JEUNESSE TROMPÉE, LEURRÉE ET ABANDONNÉE 

La jeunesse était le 1er et grand soutien de la junte au lendemain de leur double putsch . Elle voyait dans le nouveau maître, l’espoir et le signe d’un sauveur, un pourvoyeur d’emplois.

A moins de 8 mois de la fin légale d’une longue transition , la majorité de la jeunesse se retrouve flouer. L’espoir se transforme en désespoir et l’illusion prend le dessus.

Le dernier trimestre de 2023 sera la période de tous les dangers et cette même jeunesse oubliée dont le réveil sera brutal, réclamera son dû et le maitre- bourreau sera mis en brochette. Stricto Sensu!!!

L’ESPOIR EST PERMIS 

Les partisans de « l’abandon du référendum » ont décidé de porter plainte devant les juridictions nationales et africaines. Car ce projet mortifère ne saurait s’appliquer au Mali du fait

qu’ il héberge les germes de la division et de l’instabilité de nos fragiles institutions.

Les partisans de « l’abandon du référendum » et les partisans du « non de la dignité » sont donc les seuls espoirs pour les maliens et pour le Mali. Ils méritent respect, Car, ils ont accepté de rester constants, cohérents et objectifs dans l’idéal de sauver notre pays. Ils auraient pu aller au banquet et souper pour ensuite refuser de faire  la vaisselle. Mais, leur fierté et leur dignité pour la postérité ont su s’imposer et prendre le dessus face à la facilité.

Je suis membre de l’appel du 20 Fevrier et je m’inscris dans son combat et soutien les prises de position de cette plate-forme pour la pertinence de ses arguments.

Comme pour dire que, feu Babemba TRAORE l’indomptable roi du Kenedougou (résistant farouche à la pénétration coloniale) et feu Modibo KEITA le stratège, verront la graine de la résistance nationale émerger et prospérer.

Sans être idéaliste puritain, j’ai espoir que le Mali tant rêvé et espéré de nos pères des indépendances et voulu par la forte conviction des fantassins du Mali émergent, se réalisera à la sueur de la noblesse des actes qui seront posées. Pour ce faire, le choix des leaders politiques éclairés, conscients, probes et vertueux doit s’imposer.

Oui, le Mali éternel survivra par-dessus les intérêts claniques.

Le 5 juin 2023

Ismaël Sacko

Homme politique 

Ingénieur agronome

Chevalier de l’Ordre Nationale

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