Approvisionnement en céréales et engrais russes et ukrainiens – Pourquoi l’UA doit faire entendre la voix de l’Afrique 

L’accord initial entre la Russie et l’Ukraine, négocié en juillet 2022 avec la médiation des Nations unies et la Turquie, a été renouvelé pour 120 jours supplémentaires en novembre 2022 afin d’éviter une crise alimentaire mondiale liée en partie à la guerre en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 et le blocus de la mer Noire..

Les Nations unies et la Turquie ont déclaré que l’accord avait été prolongé sans précisions sur la durée. L’Ukraine, pour sa part, a indiqué qu’il avait été prorogé de 120 jours, mais un accord de la Russie est nécessaire et Moscou a accepté de le renouveler pour 60 jours. « L’Initiative céréalière de la mer Noire et le protocole d’accord visant à promouvoir des produits alimentaires et des engrais russes sur les marchés mondiaux sont essentiels pour la sécurité alimentaire mondiale, en particulier pour les pays en développement », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole de l’Onu, cité dans un communiqué.

La Russie et l’Ukraine sont d’importants fournisseurs mondiaux de denrées alimentaires et la Russie est également l’un des principaux exportateurs d’engrais. Afin de rassurer la Russie à autoriser l’Ukraine à reprendre ses exportations de céréales via la mer Noire, l’année dernière, un accord de trois ans a également été conclu en vertu duquel les Nations unies ont accepté d’aider la Russie à exporter des denrées alimentaires et des engrais.

Les puissances occidentales ont imposé d’importantes sanctions à la Russie depuis la guerre en Ukraine. Même si les exportations de denrées alimentaires et d’engrais ne sont pas concernées par ces sanctions, Moscou affirme que les restrictions sur les paiements, la logistique et les assurances constituent un obstacle aux expéditions.

L’ambassadeur russe à l’Onu, Vassili Nebenzia, a déclaré que l’Union européenne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni disposaient désormais d’un délai de deux mois pour exempter l’ensemble du secteur agricole russe de leurs sanctions s’ils souhaitent une prolongation de l’accord sur les céréales via la mer Noire. L’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a expliqué que Washington avait « déployé des efforts extraordinaires pour indiquer aux gouvernements et au secteur privé des exemptions claires concernant les denrées alimentaires et les engrais ».

Les Nations unies, pour leur part, ont dit que si des progrès avaient été accomplis pour faciliter les exportations agricoles russes, des obstacles subsistaient, notamment en ce qui concerne les systèmes de paiement. La Russie continue d’afficher sa bonne foi pour empêcher la faim dans le monde. Lors de la récente visite officielle du président chinois Xi Jinping  en Russie, le président Vladmir Poutine  a rassuré son homologue chinois que  la Russie est prête à envoyer  du blé et des céréales en Afrique afin que le continent ne sombre pas dans la famine.

Par ailleurs, lors de la conférence parlementaire internationale Russie-Afrique qui s’est tenue à Moscou, le 20 mars 2023, le président Poutine a promis d’approvisonner l’Afrique en céréales si l’accord sur les exportations ukrainiennes n’était pas reconduit dans deux mois, à l’issue de l’extension annoncée par son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. «Si nous décidons en fin de compte de ne pas prolonger cet accord dans 60 jours, alors nous sommes prêts à livrer depuis la Russie gratuitement tout le volume qui était destiné ces derniers temps aux pays les plus nécessiteux d’Afrique», a-t-il déclaré devant des responsables africains. Selon lui, la Russie «remplit consciencieusement toutes ses obligations, tant dans l’approvisionnement en nourriture, engrais, carburant et autres produits critiques pour les États du continent, contribuant ainsi à assurer leur sécurité alimentaire et énergétique».

Il a dénoncé les Européens de s’accaparer les céréales qui quittent les ports ukrainiens. «Seules 3 millions de tonnes de céréales ont été expédiées vers l’Afrique et 1,3 million vers les pays les plus pauvres d’Afrique», a-t-il affirmé, contre «12 millions de tonnes envoyées de Russie» vers le continent africain. Le président russe a affirmé que Moscou «décidera de sa participation future» à l’accord céréalier, qui a été prolongé jusqu’au 18 mai, uniquement si «une mise en œuvre juste et complète» de celui-ci est «assurée».

La Russie veut mettre fin à cette injustice que subit l’Afrique face aux céréales, au blé et à l’engrais.  Mais la Russie est confrontée à un obstacle majeur que constitue les sanctions occidentales contre elle. A cause de sanctions occidentales, les bateaux russes transportant les céréales et les engrais ne peuvent pas aller vers l’Afrique parce qu’ils sont bloqués dans les ports européens. Une situation déplorable que l’ONU n’ignore pas et contre laquelle elle ne fait rien ou ne peut rien faire.

Fait curieux, pendant que certaines populations africaines notamment dans la corne de l’Afrique sont progressivement confrontées à la famine à cause des céréales qui tardent à venir, les pays européens préfèrent utiliser  les céréales et les engrais russes et ukrainiens pour leurs propres besoins. Dans certains pays européens tels que l’Espagne, les céréales et le blé russes et ukrainiens sont utilisées pour nourrir les animaux notamment le porc afin de garantir l’approvisionnement de l’Europe en viande porcine.  Quant à l’engrais russe dont la qualité est mondialement reconnue, il est utilisé par les agriculteurs européens, privant ainsi aussi ceux de l’Afrique, de l’engrais de bonne qualité.

Dans le cadre de la prolongation de 60 jours de l’accord sur les céréales, un cargo est arrivé récemment en Afrique venant d’Ukraine. L’Afrique attend d’autres bateaux russes et ukrainiens transportant des céréales. Pour que cet objectif soit atteint, il faut que l’Union Africaine (UA) fasse entendre sa voix et soit vigilante pour vérifier si effectivement les bateaux de céréales destinés à l’Afrique arrivent sur le continent. Voir si pendant ces 60 jours, le continent africain reçoit effectivement les céréales qui lui sont destinées Si passés ces 60 jours, le compte n’est pas bon, l’UA devra ouvertement dénoncer ceux qui détourner ces céréales vers leurs pays. Dans le cas concerné, les dirigeants des pays européens. Laissant ainsi des pays africains menacés de famine.

Une contribution de  Théodore Takam

Politologue camerounais    

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